Entretien avec Madame Id Amar, maîtresse de Lina, son troisième chien guide.
- Qu’est-ce qui vous a poussée à faire une demande de chien guide?
C’est la fréquentation d’autres déficients visuels avec leur chien qui a suscité mon intérêt. En effet, lors d’un voyage en Suisse je faisais partie d’une troupe de théâtre où il y avait deux catégories de déficients visuels : ceux qui avaient un chien guide et qui marchaient avec beaucoup de facilité, alors qu’ils ne connaissaient absolument pas les lieux, et ceux qui n’en avaient pas et qui prenaient le bras d’une personne voyante. Moi, j’étais à la canne et j’avais besoin d’un accompagnateur. C’est cette expérience qui m’a fait désirer avoir un chien guide pour gagner en autonomie et en liberté.
- Qu’est ce qui a changé dans votre quotidien personnel et professionnel ?
Dans mon quotidien personnel j’ai maintenant plus d’aisance et de fluidité dans mes déplacements. J’ose également aller dans des endroits que je ne connais pas. J’ai deux enfants, maintenant adolescents, mais lorsqu’ils étaient plus petits, être guidée par mon chien me permettait d’être vraiment attentive à eux, quel plaisir ! Lorsque j’avais une canne, je devais être tellement concentrée sur la route que je ne pouvais pas leur accorder la même attention. Avec le chien, je suis détendue et peux échanger avec eux beaucoup plus facilement.
Du côté professionnel, j’ai trouvé que mes collègues étaient plus spontanés. Grâce à la présence du chien, leur regard est différent. À la canne, on m’aidait certes mais souvent avec cette réflexion « je ne sais pas comment vous faites », alors qu’avec un chien guide, ils sont tellement admiratifs du travail du chien qu’ils viennent à nous plus facilement. En revanche, j’ai dû faire preuve d’un peu de pédagogie car au bout d’un moment, ils étaient tellement contents qu’ils disaient bonjour au chien avant de s’adresser à moi !
- Comment décririez-vous le lien que vous avez avec vos chiens ?
Je dirai fort, mais ce n’est pas encore assez. C’est une vraie complicité, un échange permanent, je n’ai même plus besoin de ralentir ou de lui dire ce qu’il doit faire. Tout se fait à travers le harnais, mais quand le chien ne l’a plus, la complicité se prolonge, c’est une vraie relation d’affection réciproque.
- Quel rôle a joué l’école dans votre suivi ?
L’école a toujours été à mon écoute pour m’aider à résoudre des difficultés passagères. Avec ma première chienne par exemple, quand je la laissais le week-end avec mon conjoint et qu’il comblait mon absence par le jeu, il m’était difficile le lundi de la remettre au travail !
J’ai également quelquefois fait appel à l’école pour renforcer des acquis comme la recherche de sièges ou de portes de métro.
Par la suite j’ai eu moins besoin de solliciter les éducateurs, mais à chaque fois que cela s’est avéré nécessaire, ils étaient présents. Le suivi est continu, j’ai d’ailleurs rendez-vous très bientôt. Même après quinze ans de chien guide, l’école nous porte toujours autant d’attention, le suivi est quelque chose de vraiment important.
Je tenais également à ajouter qu’avoir un chien guide demande de l’énergie. C’est merveilleux, mais lorsque l’on va dans un nouvel endroit, on a souvent une boule au ventre : mon chien va-t-il être accepté ? C’est épuisant d’avoir à se justifier en permanence et à se battre pour faire accepter son chien guide. Maintenant, par exemple, entre deux lieux de vacances, je choisis celui qui accepte les chiens plutôt que celui qui sera plus proche de la mer.