Pinaï, l'air fière pose ses deux pattes avant sur le trottoir pour le signaler à Geoffrey qui est ravi.  Dorian, l'éducateur de Pinaï les surveille d'un œil attentif.

Lorsque Geoffrey a rencontré Pinaï, il avait tout à apprendre de l’univers des chiens guides. Avec l’accompagnement des éducateurs, le binôme continue d’évoluer avec confiance et bienveillance. Rassuré tant par la présence de Pinaï, qui assure ses déplacements avec sérénité chaque jour, que par celle de l’École qui répond présente pour tout perfectionnement, Geoffrey décrit cette nouvelle vie comme incomparable. 

 

Qu’est-ce qui vous a poussé à faire une demande de chien guide ?

Ça fait longtemps que je réfléchissais à avoir un chien, la maturation a été assez longue. Un chien est un être vivant, et ça demande beaucoup d’attention et d’organisation. J’ai donc longuement réfléchi, je déménageais notamment régulièrement donc logistiquement, c’est un souci. Je ne me voyais pas avec un chien dans un 20m2, ni entre deux déménagements. Il fallait que toutes les conditions soient réunies pour accueillir un nouveau compagnon.

Ce qui m’a poussé à faire une demande, c’est d’abord la stabilité. Un travail adapté, un appartement assez grand… un environnement favorable s’est peu à peu présenté à moi. La deuxième chose, tout aussi importante, a été l’effet confinement. Quand je suis ressorti, comme tout le monde, en mai 2020, c’était l’horreur. Je me suis rendu compte à quel point ça demandait beaucoup d’énergie d’être à la canne. Un jour, je me suis retrouvé à la Bastille avec beaucoup de gens, d’obstacles, les terrasses des restaurants sur les trottoirs… et je me suis dit que je ne pouvais pas continuer ainsi.

 

Pouvez-vous nous parler de votre handicap ?

Quand je suis né, j’avais déjà des problèmes visuels : je ne voyais que d’un œil. Ensuite j’ai eu un décollement de la rétine, lorsque j’avais six ans, et tout s’est rapidement aggravé. J’ai donc encore une idée des couleurs mais je ne me suis pas construit avec, et je me suis presque toujours déplacé à la canne jusqu’à l’obtention de mon premier chien guide.

 

Qu’est-ce qui a changé dans votre quotidien ?

Ce que je trouve assez incroyable, c’est que Pinaï m’a permis de ne plus sortir la peur au ventre, c’est-à-dire sortir en me disant c’est bon, je gère juste où je vais. Je ne gère plus les obstacles, les travaux, les dangers. Pinaï, ce n’est pas non plus un GPS, elle m’aide à trouver une porte, ou encore l’endroit où traverser. C’est moi qui décide, même si elle peut proposer des choses. Mais je sors plus léger, avec moins d’inquiétudes, et ça change la vie.

Je trouve que les gens sont plus corrects, plus compréhensifs, plus respectueux. Ça m’a frappé ; avec la canne, il m’est déjà arrivé d’être bousculé, embarqué par le bras. Avec le chien, les gens me considèrent davantage. 

Le chien ne socialise pas de manière générale, mais il permet de retrouver une forme de respect. On nous parle parce qu’on nous respecte, c’est une condition sine qua non.

 

Comment décririez-vous le lien que vous avez avec Pinaï ?

Chaque couple est unique, chaque situation est unique. Ce qui est assez étonnant, c’est que j’ai réellement une relation vivante avec Pinaï, et on s’est testés l’un l’autre. On a expérimenté chacun de notre côté assez rapidement, il y a eu une forme de jeu entre nous. Au début, elle était très protectrice, toujours collée à moi et dans mes pieds, où que j’aille ! C’était très important pour elle de garder les yeux sur moi. Un jour, elle a vraiment pris confiance, la relation s’est consolidée et elle a pris plus de libertés aussi. Elle était un peu plus détendue, elle s’autorisait à s’intéresser ponctuellement aux autres gens.

 

Au niveau du travail, Pinaï c’est un peu comme une ado. Elle a envie de montrer ce qu’elle sait faire et d’en imposer. Mais à certains moments, elle se laisse la liberté d’aller renifler à droite à gauche ou de râler un peu. Ce sont encore des choses que je travaille avec elle, puisqu’elle n’est à mes côtés que depuis quelques mois.

 

Elle a aussi fait d’énormes progrès sur sa gestion des autres chiens. Elle est coquine, et savait parfaitement être modèle avec son éducateur, alors que de mon côté, je pouvais avoir un peu de mal, et peur de mal faire, Pinaï étant mon premier chien. Aujourd’hui, tout se passe bien. Elle s’est calmée, habituée à son environnement et à moi. On se comprend bien, et elle s’adapte beaucoup plus facilement. J’ai appris à l’écouter aussi, c’est une chienne sensible qui sait s’exprimer.

 

De plus en plus, on travaille aussi notre confiance l’un envers l’autre. A l’écart de la circulation, je travaille avec elle la marche sans laisse, juste pour voir comment évolue cette confiance. Elle reste à côté de moi, et pour moi, c’est une belle marque de confiance. Je la laisse aussi libre dans mon bureau, sans harnais, et elle reste constamment à mes côtés ou réceptive à mon rappel. Un jour, on l’a retrouvée à l’étage du dessous, parce que l’odeur du saucisson de mes collègues était trop forte, mais c’était une exception et je ne peux que la pardonner !

 

Pinaï est toujours attentive même si elle s’est progressivement émancipée, elle a toujours un œil sur moi. C’est magnifique d’avoir cet ange gardien qui veille constamment sur moi.

 

Trois adjectifs qui décriraient Pinaï selon vous ? Geoffrey, souriant, est debout aux côtés de Pinaï, assise, qui porte son harnais de chien guide.

Elle est toujours volontaire ! Elle reste taquine et joueuse aussi, toujours partante pour courir derrière une balle et amuser la galerie. Et finalement, c’est aussi une chienne joyeuse, vraiment agréable à côtoyer.

Lorsque je l’ai rencontrée, j’ai été impressionné par sa vivacité et sa confiance en elle. Elle savait où elle allait, marchait d’un bon pas, ça a bien marché entre nous. Quand j’ai demandé à l’Ecole comment je saurai quel chien il me faut, ils m’ont répondu que je le sentirai tout de suite. Et effectivement, c’est ce qui s’est passé avec Pinaï. C’est la chienne qui me correspond.

 

Quel rôle a joué l’École dans votre suivi ?

Comme vous le savez, je suis journaliste, et les journalistes ça pose plein de questions ! Et surtout, ça n’aime pas les questions sans réponses.

J’ai découvert l’Ecole sans rien connaitre du fonctionnement des chiens d’assistance et en particulier des chiens guides. Je n’avais pas envie de me retrouver dans une situation dans laquelle je n’avais pas les outils pour agir, donc j’ai posé plein de questions, et j’ai toujours obtenu des réponses. Je n’ai pas hésité à solliciter l’Ecole, pour des questions de comportement ou des questions vétérinaires, ou encore pour découvrir de nouveaux trajets, et les éducateurs m’ont toujours accompagné. C’était rassurant de savoir que je n’étais pas seul avec Pinaï, et que je pouvais recevoir l’aide et les conseils dont je pouvais avoir besoin.

 

Un souvenir

Un jour, en nous promenant à la campagne, nous sommes passés devant un pré dans lequel se trouvaient des vaches. Pinaï considère que les vaches, comme les chevaux, sont des grands chiens ! Elle cherche constamment le contact. Elle est donc entrée dans le pré, et s’est mise à courir vers les vaches qui ont rapidement suivi le mouvement. Je restais sur mes gardes, je n’étais pas très serein, les vaches pesant presque une tonne et Pinaï seulement 30kg. Tout s’est bien déroulé, elle est revenue au rappel et est sortie de son jeu.

 

Avril  2022

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