Flash chien guide d'aveugle

Bonjour !... peut-être as-tu déjà entendu mon nom, ou m'as-tu aperçu au détour d'une rue ?
Je m'appelle FLASH, Flash comme un rayon de lumière ou de soleil... et ce n'est pas sans raison.
Mon histoire à moi, ne ressemble à aucune autre. La différence avec mes compagnons, c'est que mon maître me suit, moi, car il ne voit pas ou très peu. Je l'aide, je lui montre son chemin, je le guide.
On dit d'ailleurs de moi que je suis un chien guide d'aveugle*. Je le fais avec beaucoup de plaisir car il me donne toute son affection et sa confiance.
Mais, avant que cette grande et forte amitié existe, la route a été longue et il m'a fallu franchir beaucoup d'étapes pour rencontrer la personne que je guide aujourd'hui.
Si tu veux, je vais te raconter mon histoire...
Tout d'abord, comme tout être vivant, j'ai un Papa et une Maman. Ils se sont rencontrés dans un centre d'élevage de chiens guides d'aveugles et y sont restés trois jours.
Mon Papa est, à ce que l'on m'a dit grand et fort. Quand à Maman, elle est bien sûr douce et jolie. Tous deux sont très intelligents. Je sais qu'ils ont subi des examens dans une clinique vétérinaire afin de confirmer leur excellente santé. Ils ont ensuite passé des tests d'aptitudes naturelles* avec un éducateur.

Tous ces tests ayant été positifs, leurs chiots avaient ainsi le maximum de chances de devenir un jour chiens guides d'aveugles.
Après cette rencontre, Papa et Maman sont retournés chacun dans leur famille que l'on appelle "Famille d'élevage*".
Maman était très choyée dans sa famille et c'était la première fois qu'elle allait avoir des petits.
Les responsables du Centre donnèrent des conseils sur les soins particuliers à lui apporter pendant cette période.
Par exemple, il fallait augmenter sa ration de nourriture journalière durant les quatre dernières semaines de la gestation* pour qu'elle ne s'affaiblisse pas, et lui donner des vitamines.
Au bout de deux mois, Maman était très grosse. Elle me portait dans son ventre avec tous mes frères et soeurs. Ses maîtres l'avaient habituée à s'installer dans une caisse de mise bas * , large et confortable que l'école leur avait prêtée. Maman s'y est couchée doucement, et c'est ainsi, dans ce berceau que je suis né avec mes huit frères et soeurs. Ce fut long pour Maman et difficile parfois.

A chaque fois que l'un d'entre nous sortait de son ventre, Maman déchirait l'enveloppe qui nous entourait et coupait le cordon qui nous reliait à elle.
Nous avons ainsi poussé notre premier cri. Maman nous léchait ensuite longuement.
Mes premières heures.

Je rampe difficilement le long du corps chaud de Maman à la recherche d'une mamelle. Je suis le dernier né de la portée* et j'ai beaucoup de mal à me frayer un passage entre mes frères et soeurs qui ne veulent pas lâcher la tétine qu'ils ont eu tant de peine à attraper. Certains d'entre eux s'endorment même avec elle.
Je bouscule et donne des coups de tête.
Enfin, j'en ai une !...
Avec mes pattes de devant, j'appuie autour du mamelon. Le lait est chaud. Hum, c'est bon !
C'est mon premier repas au grand jour. Il est indispensable à ma santé. Le tout premier lait qui sort des mamelles de Maman, appelé colostrum*, doit me protéger contre certaines maladies graves.
Je suis bien trop petit pour être vacciné contre ces maladies.
Pendant les quinze premiers jours de ma vie, manger et dormir sont mes seuls préoccupations.
Maman fait ma toilette régulièrement.
Je commence à entendre et à voir.
J'ai beaucoup grossi et grandi.
Je découvre le beau poil de Maman. Comme elle est grande !
J'entends toutes sortes de bruits.
Avec mes frères et soeurs, j'explore la caisse de mise bas. Nous jouons souvent ensemble. J'aime bien jouer avec eux. parfois, ils me font un peu mal mais je me défends.
J'ai un grand frère qui fait " ouaf, ouaf " et comme je suis toujours avec lui, j'essaye d'en faire autant.
Le temps passe très vite et je suis très heureux.
Aujourd'hui, nous avons quatre semaines. la caisse de mise bas devient trop petite pour nous et ennuyeuse. Nous allons explorer un nouveau lieu : l'extérieur !
Les toutes premières minutes, surpris, nous restons autour de Maman. Les plus courageux (comme moi), s'élancent et partent en reconnaissance, bientôt suivis de tous.
Que de plaisirs nouveaux, et toutes ces nouvelles odeurs ! Maman nous observe et nous surveille. C'est merveilleux !

Les membres de la famille d'élevage de Maman jouent souvent avec nous. J'aime bien les suivre et me faire câliner. Ils sont très attentifs à nous tous. le temps passe ainsi en jeux et en caresses.
Maman passe de moins en moins de temps avec nous.

Nous sommes maintenant capables de manger dans une écuelle mais, c'est toujours bien agréable de boire encore un peu de son lait .
Je vais bientôt fêter mes huit semaines et je pèse 10 kg. On dit de moi que je suis beau, grand et fort.
La grande aventure va commencer.
Aujourd'hui est un jour très important pour moi. Je vais passer des tests de sélection* qui détermineront mon avenir.

Un éducateur m'observe pendant que je joue avec mes frères et soeurs dans le jardin. Il me prend dans ses bras et se dirige vers la maison. Moi qui croyais avoir exploré toute la maison, je me retrouve seul dans une pièce que je ne connais pas.
Je m'empresse de la visite. Soudain, j'entends quelque chose tomber sur le sol, derrière moi.... Oh, des clés !
Je les renifle et m'empresse de jouer avec elles. La porte s'ouvre et l'éducateur entre. Je lui apporte les clés et réclame des caresses, heureux de ne plus être seul : " Comme tu es gentil Flash " me dit-il doucement.
Je reprends mon exploration quand soudain, un étrange bruit attire une fois de plus mon attention. Je me retourne et cours vers l'objet de ma curiosité. Ce ne sont que deux morceaux de bois entrechoqués par l'éducateur.
Ce n'est pas cela qui va me faire peur !
Toute la famille s'empresse de venir me féliciter et me récompenser par des caresses. " Bravo Flash, bravo " me crient-ils tous. Il paraît que j'ai fait preuve d'équilibre, d'intelligence et de gentillesse.
Je suis fier de moi.
Le jour de mes deux mois et demi, je fais la connaissance de Jean, Chantal et leurs deux enfants.
Ils m'emmènent dans leur jolie maison.
Le soir, je suis un peu triste. mes frères et soeurs me manquent, mais la gentillesse de ma nouvelle famille que l'on appelle Famille d'accueil*, me fait vite oublier ma peine.
Je vais vivre quelques mois au sein de ma famille d'accueil dont le rôle, est de me donner une éducation naturelle*. Avec patience et gentillesse, je vais apprendre à être propre à la maison et dans la rue, m'habituer à tous les bruits domestiques et urbains sans être effrayé, apprendre à être sage :

- pendant les repas,
- en laisse lors des promenades en ville,
- dans le métro,
- dans les magasins,
- en croisant des copains...
Ce n'est pas toujours facile, mais je fais du mieux que je peux, car j'adore leur faire plaisir. Avec les enfants, je fais de bonnes parties de jeux. Il m'arrive parfois, lorsque nous allons au parc ou en forêt, de courir avec des copains ; mais, si Chantal m'appelle, je reviens à fond de train. Le rappel est l'un des éléments essentiels de ma pré éducation * .
Une fois par mois, l'éducateur vient me voir pour contrôler mon évolution et m'apprendre de nouveaux exercices.
Chantal est très attentive aux conseils qu'il lui donne sur mon évolution physique et psychologique*.
De temps en temps, je vais en visite à l'Ecole de Chiens Guides d'Aveugles. la dernière fois, je suis même resté deux jours avec eux. J'ai eu la surprise de retrouver deux de mes soeurs. J'étais heureux, mais content que Chantal soit venue me rechercher.
Je vais avoir un an et je sens que le moment de la séparation approche.
Il est temps que mon éducation de futur chien guide d'aveugle commence.
La noble tâche sociale qui m'attend, atténue la tristesse de ma famille d'accueil.
" Je vous promets que jamais je ne vous oublierai ".

A l'école.
L'éducateur que je connais bien, m'a accueilli et s'est occupé de moi le premier jour.
J'ai un joli box au bord du bois que je partage avec un copain du même âge que moi.
Le deuxième jour, j'ai fait la connaissance de l'éducateur chargé de mon éducation. Il est très sympathique et je m'attache très vite à lui. Il s'appelle Michel.
Chaque matin à 8 heures, Michel vient me chercher. Nous nous dirigeons vers les caniveaux où je fais mes besoins.
Ensuite, je me détends quelques instants avec tous les autres pensionnaires dans un grand enclos.
Après voir été brossé, je pars travailler. J'apprends avant tout à être obéissant en toutes circonstances.
Michel est si gentil, que j'obéis sagement à ses ordres. " Assis, couché, debout, au pied, reste " me dit-il.
Quelques jours plus tard, il me passe autour du corps un joli harnais en cuir, pour de nouveaux exercices, mais maintenant en ville.
Je suis très fier dans la rue. Tout le monde s'arrête et me regarde.
Mon éducation de chien guide d'aveugle durera six mois et se déroulera en trois phases que je vais t'expliquer de façon simplifiée.
1. Sensibilisation à l'obstacle.
Je ne connais pas encore mon travail. Michel me laisse marcher librement. Si je fais une faute, il m'arrête à l'aide du harnais et m'encourage à réfléchir et à trouver une solution.

Chaque fois que je trouve, il me dit : " Oui Flash, c'est bien ".
J'ai vite compris que pour lui faire plaisir, je ne dois jamais passer trop près ou sous les obstacles, je dois m'arrêter à la bordure de tous les trottoirs et faire attention aux voitures.



2. Apprentissage de l'obstacle.
Cette phase est la plus longue. Michel me tire et me pousse doucement sur les obstacles, ce qui me permet de comprendre que je dois laisser un passage entre l'objet à éviter et moi.
Je le tire pour le guider vers le bon chemin.
Michel me prodigue beaucoup d'encouragements.
3. Responsabilité.
Michel se bande les yeux. Il ne voit plus. Je suis entièrement responsable de lui. Je dois, sans son aide prendre des initiatives.
A la fin de mon éducation, le Directeur de l'Ecole contrôle mon travail sur un trajet difficile que je ne connais pas. Je ne suis pas impressionné et je pense que je travaille bien car il m'encourage et me félicite souvent.
Rencontre avec l'aveugle
Le Directeur me présente alors à une jolie dame aux cheveux longs. Sa voix est douce.
Elle se baisse vers moi, m'entoure de ses mains et me dit :
" Bonjour Flash, comme tu es grand, ton poil est doux ! "
Je suis un peu surpris, mais ravi, et je le lui montre.
Elle passe l'après-midi avec nous et nous faisons, Michel, Elle et moi des promenades en laisse.
Elle m'a embrassé avant de partir et m'a dit :
" Je viendrai te chercher vendredi soir pour le week-end. Nous ferons un peu plus connaissance. "
Comme elle me l'avait promis, elle est venue me chercher le vendredi soir, et le week-end suivant. J'étais très heureux de la revoir, et impatient de m'amuser de nouveau avec ses enfants, de faire de longues promenades avec elle et son mari.
Elle s'appelle Alice.
Aujourd'hui, c'est un lundi pas comme les autres. Je ne retrouve pas les copains comme d'habitude lorsqu'Alice me ramène. Michel nous conduit dans une jolie chambre. Nous allons passer toute une semaine, ensemble, à l'école.
Michel s'occupe de nous toute la journée. Alice apprend à ma brosser, me soigner et surtout à travailler avec moi dans la rue.
Les premiers jours, nous ne faisons que des exercices simples. Ce n'est pas facile de guider une nouvelle personne. Mais, très vite, je m'habitue à travailler avec Alice qui maintenant sait me parler et m'encourager comme Michel.
Nous passons la semaine suivante dans le quartier d'Alice. Je fais connaissance des commerçants, je travaille sur les différents itinéraires habituels d'Alice. j'ai même appris le chemin qui me permettra de revenir seul avec Alice rendre visite à tous mes anciens copains et aux éducateurs.


A la fin de cette deuxième semaine, Michel me dit :
" Je vais partir. Maintenant, tu devras, seul, diriger Alice dans tous ses déplacements. Je reviendrai te voir régulièrement. "
Le museau entre les pattes, j'ai envie de pleurer. Mais, du fond de la cuisine, j'entends Alice préparer mon repas avec bonne humeur. J'ai un peu honte de l'avouer, mais ce moment est tellement agréable pour moi que je laisse Michel partir sans me retourner. Je suis très heureux auprès d'Alice.
Chaque matin, nous emmenons les enfants à l'école, puis, nous nous dirigeons vers son lieu de travail.
Je reste sagement l'attendre allongé au pied de son bureau pour ne pas lui causer de difficulté dans son travail.
A midi, nous allons nous promener dans un parc. Je la conduis vers un banc. Elle me retire le harnais et, moi aussi, je me détends en courant un peu. Le soir, nous rentrons à la maison où je peux à nouveau gambader avec les enfants ou jouer à la balle avec Alice. Chaque année, nous retournons à l'école une journée.
Michel s'assure que ma santé va bien et que mon travail est toujours aussi bon J'aime de plus en plus Alice. Elle dit souvent :
" L'Ecole de Chiens Guides d'Aveugles m'a fait un beau cadeau, tu es le FLASH de ma vie "...
Je l'entends, elle vient me chercher pour emmener les enfants à l'école.
Il faut que je te quitte.
J'espère qu'un jour on se rencontrera dans la rue.
Tu me feras un grand sourire. Moi, je te reconnaîtrai et je te répondrai en battant de la queue.


TOI qui a voulu que je sois chien guide et a ainsi donné un sens à ma vie, remercie:
- La famille d'élevage qui s'est occupée de moi durant mes pemiers jours
- La famille d'accueil pour sa tendresse et son dévouement
- Le vétérinaire pour les soins qu'il m'a prodigués
- L'éducateur qui a fait preuve de patience et de compétence
- La personne aveugle qui me donne toute sa confiance et son affection
Texte: Martine ROMERO
Illustrations, mise en page du livre: J.-Yves BARILLEC - Philippe TRONQUOY
Editeur: École de Chiens Guides d'Aveugles - 105, Av de Saint Maurice - 75012 PARIS
ISBN 2-9505083-0-8
Toute reproduction interdite sans autorisation de l'Éditeur.
© Paris 1990
GLOSSAIRE
- Chien guide d'aveugle (origine) : C'est après la première guerre mondiale que les premiers chiens guides furent éduqués.
- Aptitudes naturelles : Certains chiens sont plus disposés que d'autres à apprendre, faire plaisir, ne pas être peureux, etc...
- Famille d'élevage :Famille qui a la garde de la chienne jusqu'à la fin de ses jours et qui peut, si elle le désire, assurer les portées.
- Gestation : Période pendant laquelle la chienne porte ses petits (58 à 63 jours).
- Mise bas : Naissance des chiots.
- Portée : Nombre de chiots d'une même gestation.
- Colostrum : Liquide jaunâtre qui sort des mamelles de la chienne durant les premiers jours de la mise bas.
- Tests de sélection : Exercices d'observation avant la remise en famille d'accueil.
- Famille d'accueil : Famille qui élève le chiot de l'âge de deux mois et demi à l'âge d'un an.
- Education naturelle : Méthode sans contrainte qui demande beaucoup d'observation et de gestes répétitifs.
- Pré éducation : Premiers exercices d'obéissance de base.
- Evolution physique et psychologique : La première a un développement linéaire, la seconde se fait par stades successifs.
- Remise définitive : Première sortie de l'aveugle avec son chien harnaché.
- Journée de perfectionnement : Journée de mise au point, travail de certaines difficultés.